Sélectionner une page

Il y a des villes qui se visitent, et d’autres qui se traversent pour atteindre la montagne. Aoste n’est ni l’une ni l’autre : elle se vit. Car au cœur de la Vallée d’Aoste, cette ville ancienne est bien plus qu’un centre administratif ou une escale sur la route du Mont-Blanc. C’est une carte d’identité alpine, romaine par ses fondations, valdôtaine par sa culture, tournée vers le ciel par sa géographie. De ses ruelles aux pierres chargées d’histoire jusqu’aux cimes de Pila, en passant par les vallées méconnues de la Valpelline et du Grand-Saint-Bernard, ce territoire révèle une montagne complète : habitée, cultivée, admirée. Un itinéraire à la rencontre du passé et du paysage.

Visiter Aoste : flânerie romaine et alpine au cœur de la cité

Commencez votre promenade par l’entrée la plus spectaculaire : l’arc d’Auguste, dressé comme un seuil de pierre pour quiconque entre à Aoste depuis l’est. Bâti en l’an 25 av. J.-C. à la gloire d’Auguste, il marque le point de départ d’un réseau de rues rectilignes, selon le modèle des villes romaines. En suivant l’ancienne via consulaire, devenue aujourd’hui la via Sant’Anselmo, vous entrez dans la cité comme y entraient autrefois les légions.

Les ruelles piétonnes du centre vous entraînent entre palais austères, enseignes discrètes, cours fleuries et boutiques d’artisans. Ici, la ville ne s’offre pas tout de suite. Elle se dévoile en douceur, entre deux encadrements de pierre, sous une arche, à l’angle d’un portail en noyer sculpté. L’air est calme, le pas se ralentit. On entend les cloches, le frottement du vent sur les toits, la voix des montagnes toute proche.

Soudain, au détour d’un porche, vous débouchez sur un espace vaste et lumineux : c’est la place Émile Chanoux, salon à ciel ouvert d’Aoste. Bordée de portiques élégants, de cafés aux terrasses animées et du majestueux hôtel de ville au style néoclassique, la place incarne une forme de douceur italienne au cœur de la montagne. L’été, elle accueille concerts, marchés, festivals. L’hiver, elle devient décor de cartes postales, encadrée par les crêtes blanches et les guirlandes suspendues.

En continuant vers l’ouest, vous rejoignez les vestiges romains : la porte Prétorienne, le théâtre antique, les murailles d’enceinte, et plus loin, le mystérieux cryptoportique du forum, ce long couloir souterrain en demi-cercle qui servait jadis d’entrepôt et de passage discret, où résonne encore l’écho d’un autre temps.

Découverte à pied de la ville d'Aoste
Héritage romain à Aoste

Puis vient la collégiale de Saint-Ours, chef-d’œuvre du roman valdôtain. Son cloître sculpté est une galerie de symboles et de scènes énigmatiques. L’hiver, il craque sous la neige ; l’été, il résonne du pas lent des visiteurs. On y vient autant pour méditer que pour regarder.

Enfin, au sommet de la ville, la cathédrale d’Aoste, millénaire et stratifiée, vous ramène au centre de la foi, de l’art et de la vie collective. Ici, tout se croise : les évêques et les bâtisseurs, les pèlerins de la via Francigena, les habitants venus simplement écouter l’orgue ou admirer les mosaïques du sol.

Autour de la ville, les montagnes veillent. Au Sud, le Mont Émilius, souvent baigné de lumière, semble suspendu. Aoste est une ville cerclée de cimes, posée dans une clarté verticale. On n’y est jamais loin du sommet.

Pila, la station de ski d’Aoste, un des plus beaux belvédère des Alpes

Pratiquement depuis le centre-ville, un téléphérique vous propulse en 17 minutes jusqu’à Pila, station d’altitude perchée à 1800 mètres, posée sur un balcon naturel face aux plus hauts sommets valdôtains. L’ascension est déjà un voyage : au fil des câbles, on quitte les toits d’ardoise pour les crêtes, les vergers pour les alpages.

L’hiver, Pila est un domaine skiable fluide et panoramique, très apprécié des familles, mais aussi des skieurs confirmés grâce à ses pentes soutenues et à la qualité constante de son enneigement. L’été, la station devient un terrain d’aventure douce : VTT, sentiers balisés, parapente, yoga alpin… mais aussi contemplation. Le Mont-Émilius (3559 m) veille au sud, tandis que le Mont Blanc, le Grand Combin, la Dent d’Hérens, le Cervin et le Mont Rose dessinent la toile de fond. Du haut des pistes, à l’arrière vous profitez d’une magnifique vue sur le Grand Paradis.

Depuis Pila, des balades accessibles permettent de rejoindre Chamolé, ses lacs d’altitude et ses alpages fleuris. On y croise des marmottes, on s’arrête au bord de torrents limpides, on respire, simplement. En soirée, les lumières d’Aoste scintillent en contrebas, comme si la ville saluait la montagne.

Panorama sur les Alpes à Pila
La vue depuis Pila

Que visiter autour d’Aoste: la vallée du Grand-Saint-Bernard, sur la via Francigena

Revenons à Aoste pour prendre, vers le nord, la route qui remonte la vallée du Grand-Saint-Bernard. Bordée de forêts profondes, de villages en pierre sombre et de chapelles solitaires, cette vallée est l’une des plus anciennes voies de passage transalpin. Dès l’époque romaine, elle reliait l’Italie à l’Helvétie par le col du Mont-Joux, rebaptisé plus tard Grand-Saint-Bernard en hommage à l’abbé du XIe siècle qui y fonda un hospice devenu légendaire.

Sur le chemin, arrêtez-vous à Gignod, village panoramique, avec son église romane et sa tour de guet médiévale. Le dimanche matin, les cloches sonnent encore dans l’air cristallin des alpages. Un peu plus loin, Étroubles, classé parmi les plus beaux villages d’Italie, déroule ses ruelles pavées, ses maisons de granit, ses galeries d’art à ciel ouvert. Ici, le patrimoine est vivant : les sculpteurs sur bois perpétuent leur savoir-faire, les producteurs de Fontina affinent leur fromage dans des caves creusées dans la roche.

Parmi les trésors que réserve la vallée du Grand-Saint-Bernard, il en est un que les palais avertis considèrent comme une pépite du patrimoine culinaire valdôtain : le Jambon de Bosses IGP (Jambon de Saint-Rhémy-en-Bosses). Affiné à plus de 1600 mètres d’altitude, ce jambon cru au goût délicatement parfumé doit son caractère unique à l’air sec et pur de la haute montagne, ainsi qu’à un mélange d’herbes alpines utilisé pour l’aromatiser et le frotter avant séchage.

Sa texture souple, son gras noble, ses arômes légèrement poivrés et floraux en font un produit d’exception, autrefois réservé aux grandes occasions. Aujourd’hui encore, sa production reste artisanale et confidentielle, perpétuée par quelques familles et coopératives locales à Saint-Rhémy-en-Bosses, tout au bout de la vallée.

Le jambon de Saint Rhémy en Bosses
Saint Rhémy en Bosses

Chaque été, la Fête du Jambon de Bosses, qui se tient dans le bourg médiéval, est l’occasion de découvrir ce produit dans son terroir d’origine, accompagné de Fontina, de pain de seigle, et de vins valdôtains. Une halte gastronomique aussi précieuse qu’authentique, au pied des cols glaciaires.

À l’approche du col, les paysages deviennent lunaires. On entre dans le royaume du minéral et du vent. Le col du Grand-Saint-Bernard (2473 m) est aujourd’hui franchissable par tunnel ou par la route en été. L’hospice, toujours en activité, héberge pèlerins et randonneurs. On y visite un petit musée historique, une église baroque, et bien sûr le chenil des célèbres chiens Saint-Bernard, sauveteurs des neiges au regard doux.

Valpelline : une vallée secrète à visiter en Vallée d’Aoste

À l’est de la vallée du Grand-Saint-Bernard, s’ouvre une vallée plus discrète, plus sauvage : la Valpelline. Longtemps fermée l’hiver, elle a gardé une atmosphère de bout du monde. On y accède depuis Aoste par une route qui s’élève doucement entre vergers, châtaigneraies et cascades.

Le village de Valpelline, au cœur de la vallée, donne le ton : vieilles maisons de bois et de pierre, fontaines taillées dans un seul bloc, fours à pain collectifs, et une fromagerie où l’on produit encore la Fontina d’alpage AOP, que vous pouvez déguster directement sur place. C’est aussi là que l’on découvre les “barmes”, grottes naturelles utilisées pour la conservation des meules de fromage : une alliance unique de géologie et de culture vivrière.

Plus haut, Oyace, Bionaz et enfin Place Moulin, au bord d’un immense lac artificiel couleur turquoise, ouvrent les portes d’une haute montagne préservée. De là partent de nombreux sentiers vers les refuges alpins (Crête Sèche, Nacamuli, Aoste), nichés entre 2500 et 2800 mètres. Le glacier de Tsa de Tsan, le Grand Combin, et les crêtes frontalières avec la Suisse dominent ces espaces, où le silence devient un langage.

Beauté de la Valpelline
La Valpelline

L’été, la vallée est un paradis pour la randonnée. L’hiver, elle se referme, devient blanche et silencieuse, habitée par les seuls habitants, les skieurs de randonnée… et les renards.

Si un plat devait incarner l’esprit des vallées septentrionales de la Vallée d’Aoste, ce serait sans conteste la Seuppa à la Valpelenentse, originaire de la Valpelline. Cette soupe paysanne mêle pain de seigle rassis, Fontina d’alpage fondue, chou vert et bouillon de viande dans un plat rustique qui mijote au four jusqu’à former une croûte dorée et fondante. Longtemps considérée comme un plat de fête ou de veillée d’hiver, elle est aujourd’hui un symbole de la cuisine valdôtaine transmise de génération en génération.

Servie brûlante dans les restaurants de vallée ou lors des fêtes locales, elle incarne le génie de la cuisine de montagne : simple, nourrissante, ancrée dans les saisons et les produits du terroir. Goûter la seuppa, c’est comme faire un pas dans la cuisine d’un chalet d’alpage, un soir d’hiver.

De la ville romaine d’Aoste aux crêtes glaciaires du Grand Combin, des vallées fréquentées à celles qui se murmurent, cet itinéraire vous emmène au cœur de ce qui fait l’âme de la Vallée d’Aoste : une alliance rare entre histoire millénaire, beauté naturelle, mémoire vivante et culture alpine.

Ici, chaque pierre a vu passer un empereur, un guide de montagne, un pèlerin, un enfant des alpages. Ici, le patrimoine se touche autant dans une fresque que dans une meule de fromage, dans une arche romaine que dans le regard d’un chien du Saint-Bernard. Et surtout, ici, la montagne ne domine pas. Elle accueille, elle élève, elle raconte.

Ces articles pourraient aussi vous intéresser:

Crédits Photos:

Aosta: https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/dd/Aosta.jpg

Tinelot Wittermans, CC BY-SA 3.0 <http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/>, via Wikimedia Commons

Pila: https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9b/Da_Pila_alla_Piatta_di_Grevon_abc2.jpg

Patafisik, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons

Valpelline: https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/44/Panorama_Valpelline_1.JPG

Patafisik, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons

Saint Rhémy en Bosses: https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1c/Saint-Rh%C3%A9my_panorama.JPG

Luca Aless, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons